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01/04/2011
Du jazz aux variétés, le « “live” fait maison » donne en grande partie l’identité de la première radio de France
A deux pas des Champs-Élysées, devant la célèbre façade métallisée du 22, rue Bayard, décorée par Vasarely, la file d’attente s’allonge au fil des minutes, tandis que le crépuscule cède le pas à la nuit.
Disciplinés, les anonymes souriants se rangent derrière les barrières installées le long du trottoir. De tous âges, ils attendent qu’on leur ouvre les portes, bavardant sur des expériences musicales passées. Des passionnés, pas forcément des érudits.
Cette fois encore, ils seront une centaine, pas plus, à assister dans des conditions privilégiées à un concert : l’enregistrement de « L’heure du jazz », l’émission dominicale de fin de soirée de Jean-Yves Chaperon, qui accueille pour l’occasion (demain soir) le Suisse Erik Truffaz et sa trompette. Derrière ces habitués en train d’attendre, des bandes publicitaires déclinent l’un des slogans de la station, « RTL, c’est vous ».
Vous : chacun des 6,8 millions d’auditeurs de cette radio, classée première de France dans toutes les études Médiamétrie depuis des années, et dont l’audience ne cesse de progresser encore. Son secret ? Peut-être savoir entretenir le sentiment d’appartenance et d’attachement des auditeurs en jouant sur la fibre musicale.
« La musique est dans les gènes de la station »
Alors que d’autres radios généralistes vont vers plus d’émissions d’informations, de débats ou de sport, l’ex-Radio-Luxembourg – jusqu’en 1966 – donne toujours aux mélodies en tous genres plus du quart de son temps d’antenne : « Malheureusement, ce taux est en baisse, ce qui est le sens de l’histoire depuis que les radios FM sont passées par là dans les années 1980. Mais ici, la musique fait partie du tissu », justifie Pascal Amiaud, responsable de la programmation musicale.
« La musique est dans les gènes de la station », insiste Yves Bigot, « le nouveau » de la station, nommé directeur des programmes et de l’antenne le 13 septembre 2010. Fin connaisseur des univers rock et pop, cet ancien d’Europe 1 et d’Endemol est un ardent défenseur du « live » et de l’osmose entre les animateurs et leur maison.
« La couleur d’antenne, ici, est évidente, conviviale, très famille, et je n’ai surtout pas à la modifier en débarquant mais à la renforcer. Notre exigence, notre force aussi, est de proposer des contenus exclusifs pour nos auditeurs, notamment via le “live” au studio. »
Ainsi, RTL s’est intimement associée au retour de Johnny Hallyday, dont le nouvel album, Jamais seul, vient de sortir. Il a bénéficié d’un dispositif d’antenne privilégié pour dix-huit mois : « Nous sommes partenaires de son album, de sa tournée et de sa pièce de théâtre à venir. C’est historique », souligne Yves Bigot.
Un jazz rassembleur, moderne, pas élitiste
À l’extérieur de l’immeuble, les portes en verre s’ouvrent et laissent la petite foule accéder au studio, construit dans les années 1970 au sous-sol de l’immeuble. C’est dans ce lieu contenant 100 places, pas une de plus, que sont enregistrées toutes les émissions publiques de la station : le rendez-vous politique du « Grand Jury », les incontournables « Grosses Têtes » aux 35 ans d’existence, et donc les programmes musicaux : « L’heure du jazz », mais aussi « Le Grand Studio RTL » et les concerts privés.
Autant d’émissions vivantes bénéficiant d’une acoustique de qualité, souvent plébiscitée par les artistes invités. Le studio s’est vite rempli et l’ambiance est détendue, tandis que des techniciens s’activent pour d’ultimes réglages. Les lumières se font bleues, tandis que le début de cette « Heure du jazz » approche.
« Truffaz est emblématique d’un jazz que l’on cherche à promouvoir ici, rassembleur, moderne, pas élitiste, qui fait plaisir aux mélomanes sans intimider les néophytes », argumente Jean-Yves Chaperon. Ancien journaliste à la rédaction, en charge pendant des années de la revue de presse matinale, il a décidé il y a cinq ans de s’installer dans l’Hérault pour produire son vin et ne revient à Paris que pour mettre en boîte son émission fétiche.
À lui de concocter pour chaque numéro un cocktail de genres favorisant les rencontres : « Contrairement au vin qui n’autorise pas l’improvisation, le jazz se prête bien aux mélanges… » Ce soir, pour accompagner Truffaz, Chaperon a invité les acrobaties vocales de Sly Johnson et la voix limpide comme l’eau des glaciers de la chanteuse suisse Anna Aaron. Programmation exigeante, mais qui a de quoi emballer le public présent.
« Toutes les musiques ont droit de cité ici »
« Malgré l’horaire tardif, pas question de ghettoïser le jazz, même s’il a moins d’auditeurs, affirme Yves Bigot. Tout le monde existe sur l’antenne grâce à des programmations spéciales. Les auditeurs recherchent de la bonne humeur, de l’émotion et surtout de la familiarité avec les artistes qu’ils entendent. »
« Toutes les musiques ont droit de cité ici », poursuit, comme en écho, Éric Jean-Jean, animateur radio depuis l’âge de 15 ans, passé par NRJ avant de devenir l’une des voix les plus entendues de la station. Il présente en particulier, depuis une grosse décennie, « Le Grand Studio RTL ».
Chaque samedi après-midi, ce rendez-vous populaire (564 000 auditeurs en 2010) explore les univers du rock, de la pop et des variétés, alternant, comme l’émission de Jean-Yves Chaperon, les moments musicaux et les interviews. « C’est un vrai programme de musiciens pas bégueules ! », poursuit-il, le jour où Nolwenn Leroy est l’invitée d’honneur de son émission et joue accompagnée à la harpe celtique par la brillante Cécile Corbel.
L’album Bretonne de Nolwenn Leroy triomphe depuis trois mois et bénéficie de toute l’attention de l’antenne. « Nous accompagnons Nolwenn Leroy depuis ses débuts et cet album depuis avant Noël », souligne Pascal Amiaud, heureux d’annoncer que la tournée printanière et estivale de la chanteuse se fera sous l’estampille de la première radio de France.
Dans la lignée de l'âge d'or des années 1970 et 1980
RTL, une véritable histoire avec la variété. « Pas question de se montrer snob avec ça, martèle Éric Jean-Jean. RTL, c’est comme la Juventus de Turin ! Une grande responsabilité pour ceux qui portent le maillot. »
Recruté à moins de 30 ans par Philippe Labro pour animer un « Stop ou encore » à la dernière minute, en 1998, au moment de la Coupe du monde de football, celui qui se définit comme « le moins connu des animateurs connus de RTL » – il n’a pas encore succombé aux sirènes de la télévision – dit avoir compris « en grimpant les escaliers de la maison » que son nom s’inscrivait dans une lignée.
Celle qui renvoie d’emblée à l’âge d’or des années 1970 et 1980, associant « Les routiers sont sympa » et « Fréquence Max » de Max Meynié, le « Poste Restante » de Jean Bernard Hebey, ou les hurlements de Francis Zégut dans son « Wango Tango », première émission dédiée au hard rock…
« L’heure du jazz » s’inscrit aussi dans cette histoire. L’enregistrement démarre. Il durera une heure trente, « rétrécie » à une heure pour la diffusion. Les sonorités mélancoliques d’une trompette magnifique seront écoutées par environ 300 000 personnes. Trois cent mille membres d’une grande famille en trois lettres.
Jean-Yves DANA
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2460603&rubId=5548
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