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Les vagues du celtique
17/03/11 | par Thomas Chouanière
Quand certains polémistes dérapent sur les numides et les sarrasins (lire Le Cauchemar d’Eric Zemmour), l'actualité, curieusement antique, nous inonde de musique celtique. Entre le succès de l'album "Bretonne" de Nolwenn Leroy, la sortie du nouvel opus des Dropkick Murphys ("Going Out in Style"), les quarante ans de Tri Yann (fêtés le 2 avril au Zénith de Nantes), la bande originale du dernier manga des studios Ghibli composée par Cécile Corbel, on finit par avoir un goût de crêpe flambée dans la bouche.
Au rythme des tournées (de Guiness ?), des publicités où elle est diffusée, des festivals où elle est consacrée, la musique celtique revient périodiquement à la mode. Au point de voir certaines radios ressembler, le temps d'un single, à la forêt de Brocéliande par temps humide. Mais quid des différents ressacs de ce folklore local autrefois dévolu aux bardes ?
Si son origine est millénaire, le succès commercial de la musique celtique en France date des années 1970. Une scène folk existe déjà, sous l'influence des cadors nord-américains (Bob Dylan, Leonard Cohen...), et elle est dignement représentée par un Hugues Aufray ou un Graeme Allwright. Ce dernier a d'ailleurs collaboré avec un musicien spécialisé dans la harpe bretonne, Alan Cochevelou, qui va devenir célèbre sous le nom d'Alan Stivell. Avec lui, Tri Yann et le tube La Blanche Hermine, la France découvre la musique traditionnelle bretonne sous un jour nouveau.
La Bretagne s'est trouvée une musique adaptée à son identité ; mais c'est moins une revendication ethnique qui transparaît de cette scène qu'une acclimatation à une époque bénie. L'aspect "nature" de la Bretagne et son sens de la fête s'accordent assez bien avec l'esprit hippie encore bien présent en Europe dans les années 1970. Rien d'étonnant, donc, à ce que l'un des plus fameux labels du genre, Névénoé, soit statutairement... une coopérative.
Initialement, la musique celtique s'appuie sur des airs traditionnels, avec des adaptations de texte en français et en breton, mais également sur de nouvelles compositions. L'instrumentation varie, et si la guitare venue de la folk est présente, bien des formations n'oublient pas pour autant des outils d'origine avérée : le biniou, la bombarde (hautbois massif), le dulcimer (instrument à corde pincée) et la harpe celtique.
Hors de France, la musique celtique liée à des populations britanniques (Irlande, Pays de Galles, Écosse) se propage par des prescripteurs proches de la musique rock. Fairport Convention ou The Pogues réinventent les formes par le mélange des genres. Une fusion que les Pogues opèrent avec l'ajout de la country comme influence majeure, pour un résultat prodigue, qualifié parfois de folk-punk :
La musique celtique, renouvelée par la fusion avec des formes contemporaines, s'est ainsi propagée dans la musique, au point de devenir un gimmick. The Corrs ou Enya dans les années 1990 ont intégré des éléments très marqués, pour un résultat pourtant lisse. En France, le celtique s'accointe avec le public variété par des biais distincts : Manau, par exemple, distille un rap aux accents bretons et se retrouve porté aux nues. Issu d'un mouvement plus alternatif au départ, Matmatah rencontre le succès avec l'album "La Ouache", sans pour autant se laisser enfermer dans un carcan "rock celtique". Car l'étiquette "bretonne", "traditionnelle" ou "folklorique" va devenir un mètre étalon, au point que certains journaux considèrent Louise Attaque comme fondu du même moule (oui, à cause du violon), et des avatars venus d'autres régions tentent de percer (songeons au groupe auvergnat Wazoo et à son tube La Manivelle) dans le "retour au source" global proposé.
2010 voit La Jument de Michao se trouver une nouvelle cavalière, cette fois par la voix de Nolwenn Leroy. Il va falloir s'y habituer : comme les jeans slim ou la chemise à carreaux, les arrangements du terroir semblent poindre à intervalle régulier. Le phénomène Nolwenn converge d'ailleurs avec une exaltation régionaliste vue au cinéma : Bienvenue chez les ch'tis ou Le Fils à Jo sont autant de manières de s'adresser à une région en particulier, avec des résonances à caractère général. De la même façon, le folklore celtique étant diffusé bien au-delà de la Bretagne, l'album "Bretonne" a fait son lit d'oreilles déjà habituées. Coïncidence ultime : les deux films sont coproduits par une chaîne de télévision ayant diffusé l'émission dont est issue Nolwenn Leroy.
Poujadiste, le retour au celtique, et par là, aux régions ? Il convient de surveiller les futurs émules de Nolwenn (on parle d'un album en corse pour Jenifer ; pourquoi pas Élodie Frégé en langue d'oïl, à ce compte-là...), sans oublier que la musique bretonne et celtique garde des interprètes valeureux, de toute génération. Cruellement, l'actualité nous l'indique : il faut savoir observer les vagues.
http://www.allomusic.com/actualite/les-vagues-du-celtique
Poujadiste ? et bé il fait parler ce "Bretonne" dans tous les cas il fait vendre aussi ,même des réfrigérateurs
http://fashions-addict.com/index.asp?ID=379&IDF=6900
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