Celte.
C’est le succès inattendu de ce début d’année, appelons ça la « bigouden’s touch » ! Nolwenn Leroy, ex-gagnante de la « Star Ac’ » (cru 2002), est numéro un des ventes avec un album entièrement chanté en « brezhoneg » et baptisé – au cas où… – « Bretonne ». En cinq semaines, la chanteuse a écoulé plus de 200 000 exemplaires, ce qui catapulte « le loup, le renard et la belette » loin devant Lady GaGa, Zaz, Rihanna, Vanessa Paradis et même Mylène Farmer. Un coup de tonnerre (de Brest) que personne n’a vu venir. Tandis que la jolie jeune femme, elle, bretonnise à tout-va, donnant ses interviews en direct du Finistère, réclamant des concerts « fest-noz » et parlant déjà d’un autre album celte composé de ritournelles moins connues que celles de ce dernier, fort bien arrangées par le producteur de Paul McCartney...
Ch’tis. Au rayon sujet régional qui se transforme en succès national, sort sur grand écran ce qui s’annonce aussi comme un carton : « Rien à déclarer », le nouveau film de Dany Boon, avec une pléiade d’acteurs formidables. L’histoire est celle de deux douaniers, belge et français, ne pouvant pas se blairer (« les camemberts » ont remplacé le maroilles), qui doivent vivre ensemble le douloureux passage à l’Europe. La recette est la même que pour « Bienvenue... » : régionalisme, camaraderie, service public, histoire d’amour et folklore du cru. Et le lancement du film suit lui aussi les codes des « Ch’tis » : sortie en avant-première d’un côté et de l’autre de la frontière, puis sortie nationale (le 2 février).
Europe. Ce qui rapproche nos deux cas ? Nolwenn Leroy et Dany Boon, riches de leurs origines et à grands coups de promo sur France 3 régions, surfent sur la nostalgie des frontières dans un pays qui, au référendum de 2005 sur l’Europe, a voté « non » à 55 %. Un sujet qui risque fort de faire les beaux jours des candidats en cette année préélectorale et qu’il serait dommage de laisser aux extrêmes. En effet, mondialisation ne va pas forcément de pair avec abolition des frontières. Au contraire, comme le dit Régis Debray dans son nouvel essai, « Eloge des frontières » (éd. Gallimard) : « Pour recevoir l’autre, il faut bien lui ouvrir la porte. » Sans un territoire en commun marqué par une frontière, on retombe dans le clan, la tribu ou la religion. Et dans un monde où les barrières s’effacent, les bornes (et les bornés) se multiplient... Une idée à méditer si on ne veut pas faire du parti de Marine Le Pen l’autre grand succès de l’année.
Par Marion Ruggieri
(fille d'Eve Ruggieri ,responsable du culturel dans Elle,chroniqueuse paris première et sur des radios)
Le 21/01/2011
http://www.elle.fr/elle/Societe/Edito/Parle-a-mon-cru/%28gid%29/1474580