Karine Vouillamoz - le 08 janvier 2011, 18h13
Le Matin Dimanche
Elle semble bien loin, l’époque où la toute jeune Nolwenn Leroy remportait la «Star Ac’ 2». C’était en 2002. Depuis, la chanteuse s’est livrée aux mains expertes de Laurent Voulzy pour des «Histoires naturelles», et elle a créé un univers musical très personnel avec son «Cheshire Cat et moi». C’était il y a deux ans. Le public, lui, a boudé ses élans artistiques. C’est dire si le pari de ce «Bretonne», sorti en décembre, était risqué.
Sur la pochette, elle apparaît âgée de 3 ans en tenue traditionnelle bretonne. Véritable surprise de cette fin d’année, le disque s’est déjà écoulé à plus de 100 000 exemplaires en France et, bien évidemment, le succès a dépassé les frontières de la simple Bretagne. Il faut dire que ces standards du répertoire breton sont connus de tous: de «La jument de Michao» et son célèbre «J’entends le loup, le renard et la belette…», «Tri Martolod», popularisé par le groupe Manau sous le titre «La tribu de Dana» ou «Le Bagad de Lann-Bihoué» du duo Souchon-Voulzy.
Etes-vous surprise de l’accueil réservé à votre nouvel album?
Je suis surtout tellement heureuse de ce qui se passe. Plein de gens me disaient que ça allait plaire aux Bretons. Moi, mon rêve, c’était de toucher les Bretons, bien sûr, mais aussi tous les autres, en France et en Suisse. Cette musique est universelle, on n’a pas besoin d’être Breton pour apprécier la musique celtique. Avec ce démarrage, c’est une preuve que la musique celtique est effectivement universelle.
C’est quoi être Breton aujourd’hui?
Je le suis tous les jours de ma vie lorsqu’on m’appelle par mon prénom, Nolwenn. Et puis je suis née en Bretagne il y a vingt-huit ans, j’ai passé ma petite enfance là-bas, je suis partie à l’âge de 10 ans. Ma Bretagne, c’est un peu ma madeleine de Proust, c’est ces souvenirs, ces sensations, ces odeurs, qu’on garde ancrées en nous et auxquelles on repense avec nostalgie. Pour moi, être Bretonne, c’est ça. Je ne suis pas une chanteuse celtique, je ne chante pas ce répertoire depuis toujours, je voulais juste rendre hommage à cette langue que j’aime, à cette simplicité.
Le répertoire celtique est très vaste, comment avez-vous choisi ces chansons?
Je voulais faire redécouvrir certaines chansons traditionnelles et populaires aux Bretons mais aussi les faire découvrir à d’autres. J’ai pris soin de conserver les instruments traditionnels tout en proposant des arrangements plus pop. Et puis j’ai fait cohabiter des standards et des chansons qui m’évoquent la Bretagne, comme «Brest» de Miossec ou «Le Bagad de Lann-Bihoué». C’est comme une bande-son de ma vie.
Vous chantez en breton, en gaélique. Ça a été facile?
Je me suis plongée dans le breton, j’ai pris des cours, je continue d’ailleurs à en prendre. Par ailleurs, j’ai eu plus de mal pour le gaélique, c’est une langue très difficile. Elle se rapproche presque de la langue de Tolkien dans «Le seigneur des anneaux», une langue magique que j’ai adoré chanter, une langue très féminine.
Ce n’est pas frustrant que vos propres chansons aient moins retenu l’attention que ces reprises?
Oui, ça l’est, mais ce qui est le plus énervant, c’est que «Le Cheshire Cat et moi» a été un tournant dans ma carrière. C’était la première fois que je tenais les rênes de bout en bout. Ce n’était pas un disque très commercial ni radiophonique et lorsque je suis arrivée avec ce disque, les médias m’ont boudée parce que j’arrivais là où on ne m’attendait pas. Ils ont eu un problème d’image. Certaines radios m’ont même avoué aimer mes chansons mais ne pas me jouer à cause du nom que je portais.
Vous êtes prisonnière d’une image?
Oui, sans doute. Je pensais que la musique restait, qu’elle s’inscrivait dans le temps, mais malheureusement, l’image est bien plus forte que la musique. Le fait d’avoir remporté cette émission – qui représente une marque, une énorme machine –, même si c’était il y a huit ans, c’est encore présent dans la tête de nombreuses personnes et ce, malgré le travail que je fournis, les décisions artistiques que j’ai pu prendre pendant ces huit ans. La «Star Ac’» est un fabuleux tremplin mais peut-être vaut-il mieux ne pas la remporter. Parce qu’on a un album déjà prêt quand on gagne qui ne nous correspond pas forcément. Depuis, je reconstruis les fondations petit à petit. Mais ça ne suffit pas, on est obligé de construire et d’avancer. Et vous savez, ce nouvel album n’est pas très commercial sur le papier non plus et je suis heureuse de voir que les gens ont compris ma démarche et savent apprécier la sincérité de ce projet. Alors oui, je suis heureuse et en même temps, je garde une certaine frustration de l’album précédent. Mais je n’ai aucun regret.