http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-La-metamorphose-nordique-de-Nolwenn-Leroy_39382-1220561_actu.Htm
"A la une
La métamorphose nordique de Nolwenn Leroy
dimanche 10 janvier 2010
La pochette de l'album de Nolwenn Leroy a été créée par le peintre Thomas Jacquet, qui a illustré chacune des chansons.
DR Mercury
C'est avec un disque aussi surprenant que réussi, réalisé par Teitur, chanteur pop des Îles Féroé, que la Bretonne est de retour. A mille lieues de son début de parcours de chanteuse de la télé-réalité.
Elle revient des Îles Féroé. Trois jours de neige et de brouillard. Drôle d'endroit pour des vacances. Sauf que c'est là-bas, dans cette île du bout du monde, qu'elle a trouvé son alter ego musical. C'est là-bas qu'elle a travaillé son nouvel album. « Dans une ambiance très 'roots', sur une terre un peu sauvage qui me rappelait la Bretagne que j'aime, qui m'inspire, qui donne le son de ce disque, très organique. »
Donc, début janvier, la native de Saint-Renan dans le Finistère, qui a passé quelques années de son enfance à Guingamp, est retournée dans cette île nordique, fêter l'anniversaire de son nouveau réalisateur, arrangeur et co-compositeur Teitur Lassen. « Je lui ai préparé un cake à l'orange », raconte-t-elle. Mais qui est ce Teitur à qui la jolie brune fait goûter sa cuisine ? L'amateur de pop élégante a peut-être entendu son Poetry and aeroplanes, sorti en 2003.
Du musicien féroïen, Nolwenn Leroy est un fan-club à elle seule : « On m'a offert un de ses CD, au Québec, en 2004. J'ai flashé. Il se trouve que juste après, il chantait à New York où j'étais de passage. Je suis allé le voir. J'y suis retournée, à Paris, où je lui ai laissé mon deuxième album. Nous sommes devenus amis. Je lui ai demandé de faire ma première partie, à l'Olympia, fin 2005. Je suis même partie le voir à Copenhague, jouer avec un orchestre symphonique. »
De la fac à la Star'Ac
Alors, quand il s'est agi d'écrire son nouveau disque, elle s'est naturellement tournée vers Teitur : « J'ai beau être instrumentiste (elle joue du violon et du piano), j'avais du mal à me mettre à la composition. Peut-être bloquée par des années de conservatoire où l'on ne joue que des trucs imposés. » Or, elle voulait que son troisième album soit celui de l'émancipation.
C'est l'éternelle histoire des chanteurs de la télé-réalité propulsés dans la lumière, sans filet. « Quand j'ai remporté la Star'Ac 2, j'avais 19 ans. Et quand on arrive dans ce métier à cet âge-là, on n'est pas préparé. Je suis passée en un rien de temps de la fac de droit de Clermont-Ferrand à une émission de télé devenue phénomène de société. C'est forcément traumatisant. Même si aujourd'hui je suis fière d'en avoir fait partie. »
La jeune femme de 27 ans, compagne du tennisman Arnaud Clément, analyse avec finesse ce qui l'a fait grandir : « Ma rencontre avec Laurent Voulzy, pour mon deuxième disque, a tout changé. Je crois qu'à un moment donné, pour obtenir la reconnaissance de ses pairs, un jeune artiste a besoin d'un parrain. Et cela existe depuis longtemps. Cela m'a replacée dans quelque chose de plus musical. Car j'étais aseptisée. J'ai appris à jouer moins à la chanteuse, toujours dans la puissance. à être moins crispée. Aujourd'hui, je peux murmurer, susurrer, laisser des respirations. »
Et oser enregistrer un disque sans se soucier de l'impact commercial. « Ici, l'instrument de départ, c'est la harpe. J'avais envie d'en explorer ses possibilités. C'est un instrument très féminin, avec quelque chose d'un peu divin, au côté un peu métallique qui allait bien avec la rondeur de ma voix. »
Explorer la harpe
Teitur a contribué à la métamorphose en distillant sa pop-folk sophistiquée, avec piano et quartet de cordes. Et en lui présentant un autre magicien du son, le producteur Rupert Hine, basé à Los Angeles, où d'autres brillants compositeurs ont apporté leur écot. Pour un disque en français (sauf trois titres), dont les textes sont, pour la première fois, entièrement de sa plume.
Nolwenn y dévoile un vrai talent d'écriture. La jolie Mademoiselle de la gamelle est un clin d'oeil à son enfance. Le mystérieux Cheshire cat est inspiré d'Alice au pays des merveilles. Bon single, Faut-il, faut-il pas, parle de dualité. Quant à la superbe Valse au sommet, c'est un cri de dégoût, de celle qui est une des marraines de la fondation Abbé Pierre, contre le faste des sommets entre chefs d'états, alors que la pauvreté et les sans-abri pullulent.
Voilà. Les dés sont jetés. Nolwenn Leroy a vendu plus d'un million d'exemplaires de ses deux premiers albums. Pour celui-ci, elle plonge dans l'inconnu, à la fois réaliste et pessimiste face à l'avenir de la création musicale : « C'est terrible, mais les jeunes perdent l'habitude d'acheter des disques. Alors autant innover et faire ce que l'on aime. »
Le Cheshire cat & moi,
Mercury/Universal, 38 mn, 13 titres.
Michel TROADEC. "