Une pratique née il y a plus de 400 ans aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, la culture de la délation est très présente. A l'image des affiches "wanted" dans les westerns, la conquête de l'Ouest ne s’embarrassait pas de justice : sans vrai procès, sans vraie défense, on était vite pendu. Ce réflexe n'a pas disparu dans le pays, explique Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’Université de Paris II Assas (Panthéon-Assas) et spécialiste de la politique et de la société américaine. Sauf qu'aujourd'hui, il concerne la pédophilie :
Quand une personne condamnée pour pédophilie s'installe dans un quartier, il arrive que ses voisins placardent des affiches dans les rues avec son nom et les faits pour lesquels il a été condamné. Cela n'est pas du tout considéré comme du harcèlement. La personne est obligée de déménager, jusqu'au jour où de nouveaux voisins découvrent à leur tour son passé. Avec l'émergence des réseaux sociaux, il est encore plus compliqué d'échapper à ces « Wanted » de l'âge numérique.
Jean-Eric Branaa, politologue spécialiste des Etats-Unis, maître de conférences à l’Université de Paris II Assas
Cette pratique ne choque pas outre-Atlantique car elle est intégrée dans une tradition politique et religieuse qui remonte aux origines de la nation américaine, explique le chercheur. À l'arrivée des premiers puritains, la dénonciation était même une vertu. Au sein des gouvernements locaux appelés "caucus", auxquels tous les citoyens participaient, il fallait tout dénoncer en public, par exemple les adultères. C'est dans ce cadre puritain qu'eut lieu le « procès des sorcières de Salem » en 1692 dans le Massachusetts, qui conduisit à l'exécution de 25 personnes, accusées de sorcellerie. Aujourd'hui encore, considère Jean-Eric Branaa, ce type de réflexe perdure dans le pays avec l'idée que "si vous ne voulez pas qu'on dise du mal de vous, faites le bien tout le temps". Cette culture de la délation se fonde donc sur "une vertu religieuse de redresseur de tort et sur une dichotomie entre le bien et le mal, qui divise le monde entre les méchants et les gentils." ajoute encore Jean-Eric Branaa.