http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2014/04/14/ces-chanteurs-prompts-au-prompteur/
"Un ami chanteur me disait sa déception, lors d’un spectacle collectif où il participait il y a peu, de voir de ses collègues chanter qui avec les paroles des chansons bien posées sur un pupitre, qui avec une feuille de pompe plus ou moins discrète posée sur le piano ou sortant de la manche (en ce cas c’est le regard qui ne l’est pas, discret).
Ah ! chanter des trucs qui ne sont pas de son propre répertoire et ne pas s’accorder le temps de bien les travailler, de les assimiler. Je suis de ceux que ça énerve au plus haut point. Quand bien même on reprendrait La mémoire et le mer il faudrait, à mon sens, la connaître par cœur, sur le bout des doigts, le bout des lèvres, de pied en cap : c’est l’élémentaire respect qu’on doit au spectateur qui a payé. Après tout, je ne connais pas de travailleurs qui bossent avec, en mains, le mode d’emploi, sauf ma nièce Carole quand elle monte un meuble Ikéa ou mon cousin Philippe quand il change une durite. Mais eux ne chantent pas, si ce n’est du Claude François dans Si j’avais un marteau…
Le chanteur qui chante sa feuille, ça fait pas et je crie (pas trop fort, Kemper, il chante !) à l’imposture, au sacrilège. Bon, sans qu’il soit atteint de l’Alzheimer (ou pas encore), il se peut qu’à un certain âge (je ne trouve aucune excuse aux jeunes !) ça mémorise plus trop, ça imprime moins le cervelet. C’est possible. Mais qu’au moins, si on a recours aux textes, qu’on le fasse discrètement, pas vu pas pris !
J’ai vu Jamait chanter des textes de Leprest qu’il ne connaissait pas, remplaçant au pied levé un de ses collègues. Le sol de la scène fut jonché des paroles de l’Allain, tant et si bien qu’il marchait dessus et chantait en lisant : personne ne s’en est aperçu. Bravo !
A-t-on déjà vu, en scène, l’Eddy Mitchell, l’aqueu Johnny, le Bénabar ou le Paaaaaaaatrick Bruel avec leurs chansons à la main ? Non ! Et pourtant ils pompent durant tout le concert. Mais vous ne le voyez pas : ils ont l’art, ils ont la manière. Et souvent le matériel qui va avec : un prompteur. Comme les présentateurs télé, comme notre président quand il allocutionne. Nos artistes le font avec grâce, eux, dans des postures très rock n’roll. Et t’as rien vu et t’applaudis !
Voilà. Si vous avez la mémoire qui flanche, ou la fainéantise d’apprendre vos textes, pourquoi pas. Mais équipez-vous en conséquence. Le public paye pour de bons ouvriers, pas pour de mauvais tâcherons."