Samedi 19 janvier 2013
entretien
« Bretonne » a été le hold-up de l’année 2011. Un vrai coup de poker…
On se sent tout petit à côté d’un projet aussi fédérateur qui dépasse le succès idéal que pourrait avoir un projet musical. Au départ, ce n’était pas gagné d’avance. Ce n’en est que plus jouissif, quand on se bat pour ses convictions. C’est un peu ma nature. Quand j’ai une envie, j’ai un sixième sens qui me dit que c’est la bonne direction. C’est incroyable que cette nostalgie personnelle ait rencontré cet écho. Je me dis que finalement, ce n’était pas si égoïste de ma part. Cela a créé un lien fort avec le public, toutes générations confondues.
Ce succès a-t-il modifié la façon dont les gens te voient ou même ta façon de vivre ?
Je crois que les gens qui étaient bienveillants le sont toujours. Ceux qui ne m’aimaient pas avant, m’aiment encore moins aujourd’hui, à cause de ce succès. Maintenant, je leur donne des raisons. Moi, je ne vois pas les choses comme ça. J’ai un peu ignoré cela en traçant ma route. Sans écouter les médisants. Je n’ai entendu que le public. Tous les efforts et choix que j’ai pu faire ces dernières années, par souci de sincérité et d’intégrité, contre toute attente, ont porté leurs fruits. Et ma façon de vivre n’a en rien changé. Au contraire, le fait de m’être rapprochée des gens fait qu’ils sont adorables quand ils me croisent dans la rue ou dans le métro.
Tu prends toujours le métro ? Ce n’est pas Johnny qui ferait ça…
On n’a pas tout à fait le même niveau de vie. Je reste comme j’ai toujours été.
Au point de bosser comme une malade. Ce nouvel album arrive tôt finalement. Personne ne l’attendait…
J’ai toujours écrit mes chansons, même si ce n’est pas cela qu’on mettait en avant dans mes projets. On parlait de ma voix ou de Laurent Voulzy. Là, pour la première fois, on me présente comme une auteure, compositrice et interprète. J’en suis très heureuse. J’avais des chansons. J’ai beaucoup écrit durant cette dernière tournée qui a duré un an et demi. Donc pourquoi attendre ? Aujourd’hui, quand tu t’éloignes, on t’oublie vite. Les gens sont inondés d’informations, d’images… Si on ne te voit plus, les gens pensent que tu n’existes plus. C’est horrible…
Ce disque est une continuité de « Bretonne », finalement…
Oui, tout à fait. Je voulais bosser avec la même équipe. On y retrouve les mêmes sonorités. Avec le thème de la mer, on n’en est pas loin non plus. Et en même temps, ce disque est un condensé de tout ce que j’ai proposé jusqu’à présent. Cette ambiance me colle à la peau maintenant.
De là à vivre à Brest ?
Je retourne régulièrement en Bretagne. Mais je suis aussi en Auvergne où vit ma famille. La Provence aussi, pour ma vie privée. J’ai toujours été une nomade. Enfant, j’ai beaucoup déménagé. Comme tous les Bretons marins ou voyageurs. Il ne faut pas vivre en Bretagne pour être breton. Allez dire ça aux Bretons que j’ai rencontrés à New York la semaine dernière. Le sentiment d’appartenance est d’autant plus fort qu’il y a ce manque. C’est ce que je ressens.
Après Miossec, on retrouve cette fois un nouveau venu dans ton univers : Jean-Louis Murat. Voilà qui te ramène à ton enfance à Clermont-Ferrand…
Jusqu’ici, on s’était croisés. Il a lui-même proposé cette chanson. On m’a dit qu’il y a une époque où il disait des horreurs sur moi, mais d’abord il en disait sur tout le monde et puis seuls les cons ne changent pas d’avis. J’aime le côté cynique de sa chanson. Je n’ai pas été à la pêche aux chansons puisque j’en avais déjà suffisamment, mais ça s’est su dans le milieu que je travaillais sur ce projet – mon directeur artistique chez Mercury est aussi un Breton, il faut dire – et c’est comme ça qu’Hubert Mounier ou Jean-Christophe Urbain m’ont envoyé ces superbes chansons. Du coup ma famille s’est élargie.
Au point d’inclure Olivier de Kersauson qui a écrit un très joli texte en exergue…
Ce sont toujours des hommes, avec un caractère fort. De vrais personnages – souvent durs avec les filles d’ailleurs – comme Murat ou Miossec. J’ai lu tous les livres de Kersauson et un ami commun me propose de déjeuner avec lui. Je suis à peine assise face à lui qu’il me dit : « J’ai horreur des chanteuses, la musique ça me fait chier. » Au fil du temps, on est devenus amis. Il est très bienveillant avec moi. Avec un côté très protecteur.
Maintenant que ton disque sort aux Etats-Unis, es-tu prête à sacrifier le marché francophone ?
Je suis prête à m’investir mais c’est un territoire tellement immense, je sais à quel point ça prend du temps de véritablement percer. J’ai vécu un an dans l’Ohio, je sais ce qu’est l’Amérique profonde. Il faut du travail et de la chance. J’y retournerai pour y faire des concerts ces prochains mois. C’est déjà prévu. C’est important pour moi vu mon vécu là-bas. Ça prendra le temps qu’il faut. Mais pas au point de sacrifier la France ou la Belgique. Je commence ma nouvelle tournée en avril et on me verra aux festivals d’été.
Et enfin, tu as fait tes débuts au cinéma en prêtant ta voix à une Fée dans « Les cinq Légendes ».
Le cinéma, je commence à y réfléchir sérieusement en tant qu’actrice. Je reçois des propositions. L’envie est là. Mais je ne veux pas me tromper de projet. Je prends donc mon temps.