C’est elle qui, pour l’instant, tête de gondole et première de la classe, fait la fierté de l’industrie discographique française, grillant même la politesse à son aînée sexy-chic qu’est Mylène Farmer. Elle, c’est Nolwen Leroy, née il y a quelques années de la cuisse de la Star’Ac et qui, pour son quatrième album, se souvient de ses origines bretonnes en exploitant cette veine avec grand succès. Faut-il dire ici que ce disque, Bretonne, est tout à fait écoutable, comestible, agréable même, à défaut d’être tout à fait original. Nolwen Leroy puise en effet dans la tradition (La jument de Michao…) ou dans ce qui semble l’être (Ma Bretagne quand il pleut…). C’est du copié-collé, pas l’once d’une création. La Suite armoricaine est bien celle d’Alan Stivell, Tri Martelod aussi. Et le reste à l’avenant. À quoi ça sert donc ?
Ça sert à ce que le grand public ait ainsi, par Nolwen Leroy, son authentique disque de chansons bretonnes comme il vient d’avoir, par Les Prêtres et leur Spiritus Dei, sa part de chants sacrés. Se cultiver (ou plutôt avoir l’impression de le faire) c’est se sentir obligé de posséder ça, de s’ouvrir à tout, à la grande musique comme à celle de chambre, au folklore comme au jazz, au grégorien comme à l’opéra… Et l’industrie discographique sait pourvoir à ça. À défaut de commercialiser l’authentique, elle produit ses clones, ses avatars, ses contrefaçons ou ses libres interprétations. On crée l’effet de mode, la consommateur achète, écoute deux trois fois puis passe à autre chose, achète autre chose : mais, dans sa pile de disque, il a ce qu’il faut. C’est à dire ce que tout le monde a : même si je ne vais pas à Quimper (il y pleut tout le temps…), j’ai mon disque breton à la maison. Plutôt que de promouvoir une compile de Stivell ou de Tri Yann, de Servat ou de Soldat Louis, l’industrie discographique saura nous fabriquer le produit exactement calibré, étudié, formaté (et la jolie chanteuse qui va avec) pour toucher en nombre la ménagère de moins de cinquante ans et, quitte à faire, le vieux de plus de cinquante et un ans.
Alan Stivell, l'artiste tutélaire (photo DR)
Je ne cracherais pas sur la galette bretonne de Nolwen Leroy. Mais ne saurais que trop vous encourager à (ré)écouter les originaux ou, par défaut, les mémorables interprétations :
1. Tri Martelod, par Stivell : on préférera la version sur l’album Olympia de 1972, cause à l’incroyable ferveur de ce live. On trouve aussi ce titre sur l’album Again de 1993 :
2. La jument de Michao : allez sur l’album La découverte ou l’ignorance de Tri Yann (1976) ;
3. Suite armoricaine : sur l’Olympia de Stivell (sur Again aussi) ;
4. Greensleeves : tant d’interprètes ont repris ou se sont inspiré de ce traditionnel anglais, dont le texte est attribué au Roi Henry VIII, que le choix est difficile : citons Jeff Beck, Marianne Faithfull, Neil Young, Elvis Presley… même Brel dont le thème d’Amsterdam est piqué à cet air trad. ;
5. Brest : de Miossec (sur l’album 1964 de 2004) ;
6. Bro gozh va zadoù : c’est l’hymne national breton et à peu près tout le monde l’a déjà interprété (Stivell, Tri Yann, Didier Squiban…) ;
7. Mna na h-eirann : créée en l’honneur des femmes qui ont voué leur vie à l’Irlande et en particulier celles du mouvement nationaliste irlandais, cette chanson a été interprétée entre autres par The Chieftains, Mike Oldfield, Alan Stivell (sur le disque Brian Boru) et Sinéad O’Connor
8. Ma Bretagne quand il pleut : magnifique chanson de Jean-Michel Caradec sur son album éponyme de 1977 ;
9. Je ne serai jamais ta parisienne : de Miossec.
10. Karantez vro : Cet Amour du pays est d’Angela Duval
11. Le bagad de Lann Bihoué : mémorable chanson de Souchon, extraite de l’album Toto, 30 ans, rien que du malheur de 1978 ;
12. Dans les prisons de Nantes : quitte à faire, préférez Tri Yann ! (sur l’album Tri Yann an Naoned de 1972 ;
13 : Rentrer en Bretagne : d’Alan Stivell (sur l’album Terre des vivants, 1981
Michel Kemper
http://nosenchanteurs.wordpress.com/2011/01/18/bizness-la-cagnotte-est-bretonne/