J'ouvre ce thread pour éclaircir (si cela est possible) notre compréhension sur ce fameux titre du second opus de Nolwenn Leroy. Un titre ouvert à de très nombreuses interprétations? et qui n'a pas été choisi par hasard.
Dans un premier temps, je vous propose de suivre un ordre chronologique et de remonter à l'antiquité pour découvrir que ce titre au singulier a un lien avec l'histoire de l'art et le monde artistique.
Mais il faudra suivre les pas d'un célèbre encyclopédiste romain au nom de Pline l'Ancien et du livre XXXV?
Je ne reprendrai qu'une phrase du texte qui va suivre : "Pionnier en la matière, Pline conçoit les catégories et les critères scientifiques utiles à son propos ? la division des artistes en « écoles » par exemple?". Peut être un joli pied de nez de Nolwenn en relation à son expérience vécue en la matière?
Mais il n'est pas impossible que cette recherche ait un lien avec l'info de Freesbee et ce recueil de Jules Renards car Pline l'Ancien a posé les bases du conte et de la fable dès l'antiquité?
Etes-vous prêt pour le voyage ?
Celui qui est, avec Varron, le plus célèbre des encyclopédistes romains, Pline l?Ancien, de son nom latin Gaius Plinus Secundus (23-79) ? Pline le Jeune (61-114 env.), le grand épistolier du monde romain, était son neveu et son fils adoptif ?, a consacré un livre, le livre XXXV, de sa colossale Histoire naturelle, dédiée à l?empereur Titus, à une véritable histoire de l?art. L?ouvrage, vaste compilation, est à la fois biographique et technique, la première entreprise du genre. Par chance, à la différence de la majorité des ouvrages historiques de Pline, ce texte est parvenu jusqu?à nous. Ce livre fondateur, qui ouvre toute bibliothèque de sources dans le domaine des arts, a aujourd?hui une triple importance. Document essentiel pour l?histoire des arts dans l?Antiquité, il permet de reconstituer la carrière d?artistes, connus pour certains par d?autres sources livresques, mais dont aucune ?uvre n?a été conservée. Pionnier en la matière, Pline conçoit les catégories et les critères scientifiques utiles à son propos ? la division des artistes en « écoles » par exemple ? , met au point les codes de la narration d?une vie d?artiste, utilise de manière déjà récurrente les topoi de la description d?une ?uvre d?art. Même s?il n?est pas l?inventeur de toutes les formules narratives et descriptives qu?il utilise, il en fixe les usages et fait donc plus que retracer une histoire de l?art : il crée la littérature artistique. Enfin, son texte est capital pour comprendre une part de la production artistique à partir de la Renaissance : la redécouverte par les humanistes des pages de Pline offrit aux artistes soucieux de retrouver l?Antiquité vivante un répertoire de sujets, de « fables et de formes » pour reprendre l?expression d?André Chastel, d?une extraordinaire fertilité. De Botticelli à Ingres, et sans doute jusqu?à Picasso, les peintres n?eurent de cesse d?insuffler une vie contemporaine à ces chefs-d??uvre perdus à jamais dont Pline avait donné des descriptions brèves et enthousiastes, propres à enflammer l?imaginaire.
Une histoire des arts antiques
Après une introduction consacrée au prestige de la peinture, Pline en retrace l?histoire dans une première partie. L?originalité de son propos tient à ce qu?il ne se contente pas de juxtaposer des biographies : il s?attache également à l?histoire des expositions, dans les maisons particulières ou dans les lieux publics, du circuit du commerce de la peinture ? il évoque ainsi les expositions de tableaux étrangers à Rome. La dimension économique et politique ? nombre de tableaux commémorent des victoires ? est donc, d?emblée, présente.
Puis, il consacre de longs développements à la technique picturale, passage qui s?inscrit dans la logique interne de l?Histoire naturelle, où il a parlé de minéraux et de végétaux : la composition des pigments dérive de ses précédents livres purement scientifiques. Il ouvre ainsi la voie aux traités artistiques, genre qui se développa dans l?Europe du XVIe siècle. De nombreuses digressions évoquent les premiers concours de peinture, les peintures décoratives sur des lambris ou sur des voûtes, mais aussi les prix extraordinaires payés, dans l?Antiquité, pour des tableaux, ou encore l?origine de l?usage du pinceau. Certains sujets sont demeurés dans l?histoire de l?histoire de l?art : « Quelles furent les premières innovations en peinture ? » pose le problème de la modernité en art. Au fil du texte, plus de quatre cents tableaux et artistes alors célèbres sont mentionnés.
Des filiations artistiques peuvent être dessinées d?après les récits de Pline : l?école de Sicyone, née d?Eupompos, à la fin du Ve siècle, donne au temps d?Alexandre le Grand, Apelle ? le plus grand peintre du monde grec ? Mélanthios et Pausias. L?école thébano-attique, issue d?Euxeinidas, produit Ariston et Euphranor, puis Nikomachos, Charmantidès, Antidotos, Léonidas, artistes qui seraient oubliés sans les pages de Pline.
Enfin, dans une seconde partie, Pline décrit les procédés et les matériaux du modelage et du moulage et évoque quelques figures de modeleurs de vases et de sculpteurs.
Pline lu par les artistes
À l?inverse de l?ekphrasis, dont la description du bouclier d?Achille par Homère est le grand modèle de référence, qui vise à donner à une ?uvre un équivalent littéraire susceptible, autant qu?elle, d?être admiré, l?exercice de transposition en peinture des descriptions de Pline n?est pas devenu une figure de style. La Calomnie d?Apelle de Botticelli (musée des Offices, Florence), tableau savant et complexe, s?inspire pourtant directement de Pline et de Lucien. Les représentations des batailles, des dieux ? Jupiter trônant ou Vénus anadyomène ont inspiré Ingres ?, jusqu?aux portraits des souverains sont décrits par Pline : à partir de la Renaissance, les artistes n?eurent plus qu?à les réinventer.
C?est dans Pline que se trouve le trésor d?anecdotes reprises à satiété dans toutes les biographies d?artistes : le génie repéré dès l?enfance, l?habileté du peintre qui se traduit par une simple ligne tracée à main levée, le maître dépassé un jour par l?élève. Vasari a fait tout son profit de la lecture de Pline. La qualité suprême, la grâce (charis), mise en avant à propos d?Apelle, fut reprise à l?envi par les biographes de Raphaël. Les raisins de Zeuxis picorés par des oiseaux bien réels fondent et illustrent la théorie de la mimésis. À l?inverse, une simple ligne de couleur tracée par Apelle sur une peinture, parce qu?il voulait supplanter son rival Protogène en démontrant son habileté sans vouloir peindre un « sujet », fut, au dire de Pline, conservée pour la postérité et transportée à Rome dans les collections des empereurs sur le Palatin. Y voir l?origine antique d?un art non figuratif et même conceptuel est tentant. Comme si, dans l?histoire des arts, tout se trouvait déjà, au commencement, contenu dans le livre de Pline l?Ancien.
(Source : Adrien GOETZ)
A vous de participer maintenant à cette recherche collective? Allez un coup de main : Il suffit de tapez Pline l'Ancien suivi d'Alain Souchon sur le net pour avoir une nouvelle piste? Pour ceux et celles qui aiment les poulaillers !
LucMulder
L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne...