une production sporadique).
Anciennement et pour les collectionneurs, on citera également les mines historiques d’Autriche (Salzbourg), d’Égypte (Assouan) et de Norvège (Oslo).
Étymologie et signification du mot « émeraude »
Une émeraude brute sur sa matrice Aux origines du mot émeraude, on trouve soit le mot sanscrit açmagarbha, soit le terme persan zamarut. Tous deux signifient « coeur de pierre ». Le mot grec qui en dérive, smaragdos, a pour signification « gemme verte ». Il donnera le terme smaragdus en latin, qui évoluera lui-même en esmeraldus et esmeralda en latin vulgaire.
C’est de ces mots que proviennent la forme française du nom. Vers 1100, le moine savant Philippe de Thaon écrit dans son lapidaire esmaragde. Quelques années plus tard, le poète Chrétien de Troyes emploie le mot esmeraude, forme ancienne du mot contemporain.
Le terme latin smaragdus donnera aussi les adjectifs « smaragdin » et « smaragdine », qui désignent la couleur vert émeraude. La smaragdite est quant à elle une pierre verte du groupe des amphiboles. Les termes smarargdos, smaragdus, et autres esmeraudes du Moyen-Âge ont été attribués à un grand nombre de pierres vertes.
Pour l’anecdote, émeraude en espagnol se dit esmeralda. Ce n’est pas la couleur de ses yeux qui vaut son prénom à la belle Esmeralda de Notre Dame de Paris car Victor Hugo précise que « ses grands yeux noirs vous jetaient un éclair » !
Les émeraudes à travers l’histoire
Les émeraudes citées dans l’Antiquité et au Moyen-Âge ne sont pas toutes de véritables émeraudes. Au XVIIIème siècle, des historiens et certains minéralogistes ont même prétendu que cette pierre était inconnue avant que les Conquistadors ne la rapporte du nouveau monde.
En 1816, l’explorateur français Frédéric Cailliaud redécouvrent les mines de Zabarah en Haute Égypte dites «mines de Cléopâtre» ou «mines de Salomon». Situées près d’Assouan, elles furent exploitées à partir de 1500 ans avant notre ère. Il est évident que toutes les civilisations antiques connaissaient cette pierre.
Les émeraudes dans l’Antiquité
Dans l’Égypte ancienne, mafek ou chesbet désignent les pierres vertes qui toutes symbolisent la renaissance et la fertilité. Les Grecs et les Romains en feront autant avec smaragdos et smaragdus. Malgré cette ambiguïté, la véritable émeraude est reconnue et très estimée dans l’Antiquité. Elle est pierre d’amour et de connaissance, souvent associée aux déesses Vénus et Vesta.
Pendentif en émeraude - Sous l'Antiquité, on associait cette pierre à la connaissance et à l'amour
Des descriptions de somptueux édifices en « émeraude » abondent dans l’Antiquité. Théophraste et plus tard Pline savent très bien que ces histoires fabuleuses d’émeraudes gigantesques sont invraisemblables. L’émeraude, rare, se présente toujours en petit volume, il est donc impossible d’en faire des statues, des piliers de temples ou des obélisques !
L’émeraude est cassante mais les Egyptiens et les Grecs n’hésitent pas à la graver malgré la difficulté. Ils privilégient l’intaille, peut-être par commodité. Les Romains eux s’y refusent absolument, évitant ainsi une taille ou une gravure maladroite. La pierre est si belle qu’elle doit être respectée. On se contente de leur donner, si c’est nécessaire, une forme concave afin que « la lumière puisse y rassembler ses rayons ».
Sénèque raconte que Démocrite, philosophe touche-à-tout s’intéressait à l’alchimie et fabriquait volontiers des émeraudes : « Il parvenait à communiquer le feu et la couleur de l’émeraude à n’importe quel caillou ».
Pline précise que les émeraudes plates renvoient les images à la façon des miroirs. D’après lui, Néron regardait les combats des gladiateurs avec une émeraude. Il n’apporte pas plus de précisions et ce fait a été depuis maintes fois commenté et contesté. Une part de vérité doit exister dans cette anecdote mais y trouver du bon sens paraît difficile au regard du personnage ! Bizarrerie d’empereur schizophrénique ou simple besoin de protéger ses yeux de la réverbation du soleil ?
Néron regardait-il les combats de gladiateurs à travers des lunettes d'émeraude
Sous l’Antiquité, l’émeraude est bienfaisante pour la vue et on lui reconnaît aussi d’autres vertus de lithothérapie : elle prévient les crises d’épilepsie, protège les femmes en couches et éloigne les mauvais génies.
Les émeraudes ne viennent pas seulement d’Égypte. Les mines du site de Habachtal près de Salzbourg en Autriche sont déjà exploitées. Les Romains, les Celtes et plus tard, toutes les civilisations européennes s’y approvisionnent. Ainsi l’émeraude de la couronne de France du XIIIème siècle, dite de Saint-Louis vient d’Autriche.
Les belles émeraudes colorées de Scythie et celles plus petites de Bactriane vantées par Pline ne sont pas une pure invention. Ces territoires antiques occupaient à peu près l’Afghanistan, l’Iran et le Pakistan actuels. Il existe actuellement dans ces régions des mines d’émeraudes magnifiques comme le site de la vallée du Panjshir. Ces mines pouvaient être exploitées dès l’Antiquité. Grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand (vers 325 avant J.C) le commerce entre l’Orient et l’Occident a pris un essor considérable facilitant l’acquisition de ces émeraudes lointaines.
Les émeraudes au Moyen-Âge
Malgré tout, l’émeraude reste extrêmement rare avant le XVIème siècle. En France, la préférence est donnée au rubis. L’émeraude a une réputation plutôt moins favorable qu’en Orient et sous l’Empire Romain. Elle aide à la divination mais le diable, jamais loin à cette époque, lui est souvent associé. Le « quadran », une machine constituée d’une sorte de roue en bois, permet de les tailler avec assez d’habilité.
Une émeraude taillée en bijou
Au niveau des vertus qu’on lui prête en lithothérapie, l’évèque de Rennes Marbode écrit dans son lapidaire du XIIème siècle que « l’émeraude restreint les jolis mouvements de luxure et fait à l’homme parole intrompable ». Plus tard, au XIVème siècle, sire Jehan Mandevylle (Jean de Mandeville) explorateur et savant écrit sur l’émeraude :
«Elle donne richesse, dignité, honnêteté et fait sagement parler. Elle guérit des fièvres et de la maladie appelée epilience (épilepsie). Si, on la porte au cou, elle conforte fortement la vue et guérit toutes maladie des yeux » (A noter que les serpents ne sont pas concernés car si la vraie esmeraude lui est montrée, il perdra la vue).
« Homme et femme quant ils habitent entre eulx charnellement ne la doivent mye avoir sur eulx (ne doivent pas l’avoir sur eux) car la pierre se trouble, romp et empire. »
Enfin, il n’oublie pas les conseils d’entretien :
« Si cette pierre perd sa clarté, trempez là dans du vin et frottez la bien avec un tissu imbibé d’huile d’olive, elle retrouvera couleur et clarté.
La Renaissance et la découverte du Nouveau Monde
Au XVIème siècle, les émeraudes colombiennes et péruviennes embarquées dans les bateaux des Conquistadors espagnols sont commercialisées partout en Europe, au Moyen-Orient et même en Inde où les moghols les apprécient beaucoup.
Les civilisations précolombiennes exploitent les mines de Muzo, Coscuez et Chivor bien avant l’arrivée des Européens. Les émeraudes servent d’ornements, d’offrandes aux Dieux et de monnaies d’échange. Les Aztèques les appellent quelzalitzli, en association à l’oiseau sacré au long plumage vert, le quetzal.