Paris - A 91 ans, Jean Piat revient "prolonger sa conversation avec le public" aux Bouffes parisiens avec "Pièces d'identité", des confidences jalonnées d'extraits de ses grands rôles, de "Cyrano" à Sacha Guitry.
L'oeil pétillant, l'acteur avoue: "Je joue, parce que quand je ne joue pas, j'ai l'impression d'être privé de dessert!"
Bien sûr, l'éternel jeune homme svelte accuse aujourd'hui ses 91 ans, avec une jambe qui le fait souffrir. "Je commence mon spectacle en disant +excusez moi, je suis un peu en retard, je suis désolé, il y a quelques temps encore je rentrais sur scène en courant!"
Il n'en garde pas moins une ardeur juvénile lorsqu'il évoque l'un de ses rôles fétiches, Cyrano, "l'amour et le panache". Lorsque lui, le joli garçon, a mis le faux nez de Cyrano sur la scène de la Comédie-Française, ce fut un triomphe: "J'ai eu 49 rappels", dit-il, encore étonné.
Jean Piat, c'est une vie entière - 72 ans de carrière - au service du théâtre, mais tout s'est fait, selon lui, par hasard, et grâce aux femmes. Sa mère, d'abord, morte en 1941 alors qu'il n'a que 17 ans, mais dont il sent l'ombre protectrice tout au long de sa vie; ses agents ensuite, toutes des femmes, et puis Françoise Dorin, sa compagne, qui a écrit pour lui plusieurs pièces et joué un rôle décisif dans son départ de la Comédie-Française.
"Je dîne un soir avec des copains", raconte-t-il. "Une des convives était très amie avec Françoise Dorin et me dit +Dorin est embêtée: elle ne trouve pas l'interprète de sa prochaine pièce.+ En rigolant je lui lance: +Et bien, dis-lui que je suis libre."
Françoise Dorin est alors en pleine ascension après le succès de "Un sale égoïste" au Théâtre Antoine. De son côté, Jean Piat a déjà 25 ans de Comédie-Française derrière lui, et craint à 50 ans que sonne pour lui l'heure de la retraite de l'institution: "La force de la Comédie-Française, c'était le renouvellement de sa troupe. Et pour ça, il fallait mettre les plus anciens à la retraite. J'avais vu ça et je m'étais dit qu'il ne faudrait peut-être pas s'attarder."
- 'Fait pour le boulevard' -
Jean Piat "croit aux signes": la pièce que Françoise Dorin lui propose d'interpréter porte pour titre "Le tournant"!
Le voilà qui quitte la maison de Molière pour revenir à ses premières amours, le théâtre de boulevard.
C'est en effet avec une pièce d'André Roussin, un des maîtres du boulevard, qu'il avait fait ses débuts juste après la guerre. "J'étais complètement fait pour le théâtre de boulevard et je rentre au Français, j'étais complètement heureux au Français et je retrouve le boulevard", s'amuse-t-il.
Dès sa sortie de la Comédie-Française en 1972, il accède à la popularité avec "Les Rois maudits", la saga de Maurice Druon réalisée pour la télévision par Claude Barma. "Les Rois maudits m'ont apporté le vedettariat, mais j'ai touché des haricots", rigole Jean Piat. "Quand je serai mort, on diffusera un petit bout des Rois maudits!"
La mort, il en parle sans tabou: "Ce qui est embêtant, c'est de vieillir!" D'autant que le théâtre "n'écrit pas pour les vrais vieux", à quelques exceptions près: Robert Hirsch et Michel Bouquet, nonagénaires comme lui.
"Robert était remarquable dans +Le Père+, il a été pour moi un confrère précieux, il m'a rendu service, il m'a obligé à être plus exigeant, j'avais une tendance à la facilité", dit-il.
Michel Bouquet, avec qui il a fait le Conservatoire, a recroisé sa route récemment, alors qu'ils jouaient tous les deux à la Comédie des Champs-Elysées. "Tous les soirs, il m'attendait avant d'entrer en scène pour +Le roi se meurt+ et il me disait: je t'ai écouté ce soir, t'es vraiment sympathique!"
"Pièces d'identité", de et avec Jean Piat, aux Bouffes Parisiens du 28 janvier au 30 avril.