Shadows de John Cassavetes 1959...
Programmé par une association de cinéphiles, dans un ciné club de province, 8 dans la salle... discussion après... Passionnant!
10 jours après la séance les images sont toujours là... il n'y a pas de scénario à proprement parler, seulement une caméra très mobile (très nouveau pour l'époque) qui suit, entoure, caresse ses personnages en noir et blanc. Un peu paumés dans le NY de l'époque, entre le jazz, l'ennui, leurs désirs flous... une famille multiraciale, deux frères et leur soeur, partagent un petit appartement... ils ont 20 ans; l'un d'eux est noir, chanteur, il se heurte au racisme autant qu'à ses a priori; l'autre frère (Ben Carruthers, un Giacometti de chair et d'os, exceptionnel), est musicien à ses heures perdues et passe son temps dans des bars avec des copains à draguer des filles qui sont avec d'autres, à jouer, et à se battre... leur soeur ne veut pas "rentrer dans le moule", et elle veut écrire... et aimer, librement! Beau programme difficile entre le protectionnisme de son frère noir, la jalousie possessive de ses partenaires, et l'amour qui arrive à contre temps avec celui qu'elle choisit pour être son premier amant...
En fait, le sujet de ce film, c'est peut-être le cinéma, le regard sur l'autre. Il y a des scènes bouleversantes de poésie, comme la rencontre amoureuse, extrêmement pudique mais regardant au plus près l'émotion de cette fille qui croyait trouver quelque chose d'exceptionnel dans cette première fois, et le comportement très stéréotypé de son partenaire, sur la défensive... ou la promenade des garçons au MoMA, au milieu des sculptures de femmes (Maillol?)...
Au lieu de "fixer" l'imaginaire du spectateur, les images "ouvrent" vers un ailleurs qui reste à dessiner... je ne sais comment dire autrement que ces images en appellent d'autres et font rêver.
Grande émotion artistique, qui perdure...