La discussion n’est pas du tout aggressive ou sournoisement critique.
En fait l’impression que m’a donnée cette longue interview c’est celle d’une mise au point (rapport au premier album) et d’une vraie curiosité sur le cheminement créatif de Nolwenn comme si en réalité, en dehors des rencontres ponctuelles sur des plateaux où des scènes, il n’avait pas vraiment apporté un grand intérêt à sa carrière.
Ils avaient un petit compte à régler sur le premier album car contrairement à ce qu’il affiche aujourd’hui dans cette interview, à l’époque, il répondait qu’il n’avait rien à voir avec cet album et niait tout lien avec Nolwenn. D’une certaine façon c’est vrai car il n’avait ni composé, ni écrit. Il avait simplement mis à disposition son catalogue d’auteurs et compositeurs et visiblement assisté à certains enregistrements. Quoiqu’il en soit au moment où tous les professionnels de la musique s’acharnaient sur elle et pariaient sur une carrière éclair, il est resté en dehors du jeu parfois cruel de l’époque.
En réponse, par la suite Nolwenn a souvent insisté sur la frustration qu’avait représenté ce premier album, dans lequel elle ne se reconnaissait pas. Il semble que ce rejet du premier album a un poil blessé Obispo qui estimait avoir fait preuve de bonne volonté, en mettant à disposition dans un délai aussi court, son catalogue et ses studios. Il fallait donc qu’il comprenne et accepte la frustration de Nolwenn et qu’il justifie un peu sa faible (nulle) implication personnelle. Il est intéressant, presque touchant de voir sa surprise que Cassé, seul véritables tube personnel de Nolwenn, ne fasse pas partie de ses reprises. Comme s’il réalisait être passé un peu à côté d’elle à l’époque.
Dans cette partie de l’interview, elle explicite sa frustration par rapport à la case “chanteuse à voix” dans laquelle elle se sentait enfermée. Elle regrette que dans la France de l’époque, la figure de Piaf, à travers Dion, Fabian, ait étouffé toute conception plus nuancée et moderne de la chanteuse à voix, façon Tori Amos, Kate Bush, qui étaient plus proches de son identité et de son ambition artistique.
La suite de l’interview où, comme à son habitude Nolwenn le noie sous un flot ininterrompu de paroles, apprend peu de choses aux fans de la première heure. Il veut savoir quand elle a commencé à chanter, pourquoi, comment sa voix s’est formée ( lui-même viendrait tout juste de découvrir sa propre voix, selon lui, dans d’autres échanges). Nolwenn raconte donc le mange-disque dans sa chambre, puis “Dangerous” de M.Jackson qui couvrait les engueulades familiales, la prof de collège qui la première repère le pouvoir de sa voix et incite la maman à lui faire travailler un instrument. Le violon. L’année miraculeuse dans l’Ohio où se forge sa volonté de “faire chanteuse”. Le conservatoire de Vichy où se forge la voix lyrique, pendant qu’elle chante Véronique Samson ou Mariah Carey, dans sa chambre. Ses 2 voix qui se forgent en parallèle, avec une impression de dichotomie. Pascal cherche à savoir comment elle a trouvé sa voix, comment elle a travaillé. Un peu comme s’il cherchait le miracle de la vraie voix.Ce qui amène à la question : qu’est ce qu’une grande chanteuse? Technique et musicalité répond Pascal.
Il l’interroge ensuite sur sa collaboration avec Voulzy. Comment? pourquoi? Elle rappelle le duo sur la star ac, la proposition de Laurent. Lui pensait que leur rencontre venait de “suivre une étoile” sur le premier album ( encore ce désir conscient ou pas de le réhabiliter?). Comment ils ont travaillé en studio pendant 1 an et demi, les bouts de mélodies qui amènent à autre chose, les mots. Nolwenn qui explique se sentir enfin exister.
On passe au “Chat”, la rencontre de Teitur à New York lors d’un concert Suzanne Vegas Jonatha Brooks. Comment il l’a mise en relation avec Ruper Hine, son travail à Londres avec lui qui avait travaillé avec Kate Bush. Son premier travail introspectif où elle écrit pratiquement tous les textes. La difficulté d’adapter la langue française aux rythmes anglo-Saxons. L’échec relatif finalement. Nolwenn pense que ce même album proposé par une artiste indé, sur un label indé. aurait reçu un tout autre accueil. Quand il lui demande qu’elle chanson selon elle, aurait pu devenir un tube, elle ne répond pas mais en appelle au moment T, par la personne etc, ce que Pascal résume par “la magie”. Il lui demande ce qu’est une bonne chanson. Elle parle du couplet en mode mineur et du refrain en majeur. De l’émotion. Il lui fait avouer qu’une bonne chanson pour elle, pourrait ne pas l’être pour lui. Ils en reviennent à la nostalgie personnelle à chacun et son importance dans l’émotion que réveille une chanson.
On passe à Bretonne né d’une conversation avec Voulzy et Nègre. Elle se rappelle du plaisir de quitter son côté fée de la forêt pour s’ancrer, explorer des choses plus dures, voire trash. Elle se remémore le plaisir de travaillé avec de fantastiques musiciens, spécialistes du celtique, avec de vrais instruments traditionnels, encore à Londres Il en ressort, convaincu qu’elle a pris son pied, davantage qu’avec le Cheshire Cat.
Gemmes, à nouveau travaillé en Angleterre. Je n’ai pas retenu grand chose sinon quelque chose à voir avec la musique électro.
Pascal a beaucoup aimé Folk qu’il a trouvé très “pur”. Je crois comprendre que c’est son album préféré.
Puis sa collaboration avec Biolay dont on vous a parlé. Comment il sculpte le son. Comment elle ne dépasse jamais 3 prises. Lui a avoué avoir fait 7à 8 prises à ses débuts et avoir progressivement réduit. Elle n’a pas rechanté après les maquettes.Elle se demandait comment Biolay voulait qu’elle chante avant qu’il lui dise d’oublier et de faire comme elle le sentait. Pascal aime bien Brésil Finistère. Je suis moins sûre qu’il soit très convaincu de l’engagement de Biolay dans ce projet. Ça m’a donné l’impression d’un producteur qui reconnaît les trucs d’un autre sans forcément en apprécier sinon la pertinence mais l’adaptation au cas Nolwenn. Je me trompe peut-être mais j’ai ressenti quelque-chose d’un peu en recul. Oui il a utilisé ses recettes habituelles, mais il n’a pas fait du sur-mesure. Il ne s’est pas vraiment totalement impliqué. Je brode peut-être.
Ça s’est terminé par le rappel qu’ils venaient de faire un duo ensemble pour la première fois (incroyable! Ils ont tout fait pour s’éviter ou quoi?) et qu’il avait vraiment aimé l’expérience, qu’il aimerait recommencer. Ce qu’ils vont faire pour Alzheimer bientôt. Elle a promis de lui envoyer une version de Cassé différente de l’album .
En gros j’étais sidérée qu’il en sache si peu sur Nolwenn et son parcours. Son grand truc du moment, c’est le mystère de la vraie voix. J’ai senti une envie de travailler avec elle, de comprendre ce qui l’anime et l’intéresse dans chaque nouveau projet. Il en conclut qu’elle est une sorte d'essayiste. À chaque nouveau projet, elle expérimenterait, autre chose. Elle appelle ça de l’introspection. Parfois j’avais l’impression qu’il l’interrogeait comme s’il préparait une proposition pour elle ou au moins l’envisageait. Mais bien sûr ce n’est qu’une impression personnelle. En quoi elle était libre ou rebelle? Si elle était vraiment heureuse? Juste des petites touches. Mais ce qui est clair c’est qu’ils ont réglé définitivement leurs non-dits et éventuels malentendus.
PS j’ai découvert avec stupéfaction que Obispo ne lit pas la musique en écoutant son entretien avec Élodie Frégé.