Murray Head refuse la politique des maisons de disques de recycler « sans chercher de nouveautés ».. Photo d'archives Le Télégramme - Eugène Le Droff
Le grand Murray Head sera, samedi soir, à l'Avel-Vor, de Plougastel, pour un concert unique dans la région. De son pied-à-terre londonien, il revient sur son rapport à la musique, sa génération dorée et monte un procès en sorcellerie contre les maisons de disques, réputées, à son goût, fossoyeurs de la pop-song.
Vous revoici donc dans la région pour une date, samedi soir, à Plougastel...
Oui, avec grand plaisir. Je tourne avec un orchestre et dès que je peux, je fais des dates. C'est Éric, le programmateur de l'Avel-Vor, qui m'a contacté et j'étais bien content. J'aime toujours revenir à Brest parce qu'ici, les gens connaissent mieux la musique que les autres. J'aime bien cette idée d'arrêter les tournées organisées en rafale. À part pour les grands, c'est devenu impossible. J'aime l'idée de trois, quatre soirées dans le mois. On se promène dans le pays, on rencontre des gens. Franchement, la médiatisation d'aujourd'hui ne m'intéresse pas trop et puis j'ai la grande chance que le public français m'ait adopté depuis bien longtemps. Plougastel, c'est pas loin de Brest, c'est ça ?
Il y a un pont.
Un pont, ça suffit parfois (rires).
Vous dites ne pas trop aimer les médias modernes. Pourquoi ?
Quand vous passez à la télé, j'ai l'impression que vous êtes dans les préparatifs de la mort. Franchement, vous avez regardé « The Voice » ? Cette émission montre le cynisme absolu de ceux qui la produisent. Ce sont des artistes Universal qui jugent des futurs chanteurs Universal, en recyclant des tubes exploités par Universal. Je ne suis pas très proche de cette mentalité qui imagine que leur public est un public composé de ploucs. Et la radio... À part quelques indépendants et alternatifs, on a le sentiment que tout est formaté par un ordinateur parisien. Voici 14 ans que nous sommes entrés dans le nouveau millénaire et, franchement, je n'ai pas le sentiment d'avoir entendu quelque chose de nouveau.
Vous l'expliquez comment ?
Parce que le seul moteur est celui de l'argent et, quand on veut gagner de l'argent à ce point, les maisons de disques ne prennent plus aucun risque. Il n'y a pas de place pour la surprise et on rejoue ce qui a déjà réussi. On recycle le fond de catalogue. Je suis allé voir une fois une gagnante de cette téléréalité, c'était Nolwenn. C'était propre, sans aucune surprise. On sentait que la maison de disques était dans la salle. À notre époque, c'était un peu la grande découverte de tout. Il n'y avait pas d'argent, pas de profit, parce que personne ne pensait que l'on pouvait gagner de l'argent avec de la pop music. Notre génération était celle de la chanson pour le plaisir. Nous pensions à nous exprimer sur ce que nous ressentions, sur ce que nous voyions. C'était l'époque « protest ».
Comment le viviez-vous ?
Les années 1970 ont été marquées par le modernisme de la technologie, l'architecture... Les musiciens venaient pour la plupart d'écoles d'art, c'était la découverte. C'est quand les maisons de disques ont découvert qu'elles pouvaient gagner plus d'argent avec nous qu'avec le répertoire classique que les choses se sont gâtées. Dix ans plus tard, nous étions des chiffres. Je n'étais plus Murray Head, j'étais un numéro. Nous étions dans l'industrie du synthé, l'industrie de la radio. La musique a changé complètement, l'attitude a changé. Les années 90 n'ont que confirmé. Elles ont recyclé, sans chercher de nouveautés. Les maisons de disques ont alors produit leurs éloges à la paresse, en publiant des compilations, puis en vendant leur âme à des téléphones.
Puis ?
Aujourd'hui, la théorie de Warhol sur le quart d'heure de gloire est abaissée à cinq minutes pour les concurrents de la « Star' Ac » ou de « The Voice ». Mais ce que je leur reproche le plus est de vouloir toujours mettre les gens en conflit. Moi, je n'ai aucune raison de le faire, surtout que je sais que, l'année d'après, tout sera fait pour balayer les restes de la saison précédente et faire place nette.
Et Murray Head, où se trouve-t-il dans ce résumé ?
Mais exactement là où je me trouvais il y a 40 ans... Je suis totalement libre, je fais la musique que je veux. Je décide des morceaux que je veux jouer, une demi-heure avant que le concert ne commence, en fonction du public. J'ai gardé le pouvoir de décider et je suis rassuré depuis que j'ai lu que Mick Jagger faisait exactement pareil !
[Mis à jour le : mer., 09 avril 2014 11:53]
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