Nolwenn Leroy, de la gravité à la légèreté
La fin d'année 2009 a ramené les grands yeux et la jolie voix de Nolwenn Leroy sur le devant de la scène. L'ex-Staracadémicienne
continue a avancer sur le chemin déjà emprunté avec son deuxième disque, pour lequel elle avait collaboré avec Laurent Voulzy. Il lui avait appris la légereté et la douceur. Elle a retenu la leçon pour son troisième opus, l'étonnant et délicat Le Cheshire Cat et moi (annoncé par le single Faut-il, faut-il pas?)
Travaillé dans l'intimité et en famille, comme elle aime le rappeler, avec l'aide de Teitur, musicien des îles Féroé, ce disque est celui dont Nolwenn rêvait depuis longtemps. C'est avec une fierté tranquille que la chanteuse est venue nous en parler.
Comme les artistes aiment le dire, le dernier disque proposé est souvent le plus personnel. C'est votre cas?
De part mon implication, oui. C'est ce qu'on attendait de moi à ce moment de ma carrière, après ce premier album qui faisait partie du package Star Academy et le deuxième qui m'a permis d'apprendre auprès de Laurent Voulzy, où j'avais le rôle de "muse". Je n'aurais pas pu faire ce troisième disque sans avoir appris à ses côtés. Ca m'a donné confiance pour faire les choses seule. J'ai mis un certain temps à le faire mais il est plus personnel.
Que vous dites-vous justement quand vous l'écoutez, ce premier disque?
Je le réécoute en souriant. J'avais l'impression que j'étais beaucoup plus grave à l'époque, que c'était quelque chose d'hyper dramatique. Alors que j'étais bien plus jeune et qu'il y aurait dû avoir une certaine légéreté et quelque chose de plus naïf. C'est étrange. On ressent que j'avais peur et que j'étais hyper concentrée. Ca représentait tellement pour moi ce premier album... On sent une certaine crispation. C'est un album que je n'ai pas construit, qui était déjà là. On m'a demandé de chanter ces chansons. J'étais partagée entre le bonheur d'avoir gagné cette émission, l'opportunité de pouvoir enregistrer ce premier disque et la frustration de ne pas pouvoir m'y investir plus. Je n'ai pas pu choisir mes chansons et cela allait à l'encontre de toutes mes convictions en musique. C'est un peu paradoxal. C'était un bonheur incroyable et une frustration énorme.
Le disque a mis trois ans à se faire mais vous avez enregistré les voix en trois jours, paraît-il...
Oui. Ce disque a été construit autour de la voix. Finalement, on ne m'a jamais autant entendu chanter, pas par la puissance mais par la présence. J'ai travaillé sur ma manière de chanter. Il n'y a eu que trois prises pour chaque chanson. Ce qui était très différent de ma manière de fonctionner habituelle. Aujourd'hui, on a la possibilité de recommencer encore et encore jusqu'à la perfection. Mais je me suis rendue compte que ce que j'aime chez les artistes c'est ce petit souffle brisé, cette fêlure... Je n'arrivais pas à tolérer ça chez moi avant, peut-être parce que j'ai fait le conservatoire? Avant de partir en studio, Teitur m'a conseillée d'écouter Billie Holiday, afin que je comprenne deux, trois trucs. Et effectivement... A l'époque, ils n'avaient droit qu'à une prise, du coup toutes les imperfections qui font la beauté de l'enregistrement sont là. On a travaillé comme ça: une première prise, une deuxième qui est mieux, et une troisième qui est déjà trop travaillée et qui permet de se rendre compte que la deuxième est celle qu'il faut garder.
Il y a quelques titres en anglais sur ce disque. Ca ne vous a pas donné envie de faire plus?
L'album a été écrit en anglais. Ca a été une frustration au départ. Le concept de l'album n'était pas parti pour être anglais. Puis la maison de disque m'a demandée si j'étais sûre de vouloir chanter en anglais. Il y a tellement d'artistes qui le font. Certains très bien comme Emilie Simon, Camille, Keren Ann, pour qui c'est naturel. Et d'autres, très mal, où ça fait juste "genre". Moi, je ne voulais pas faire "genre", parce que l'anglais c'est ma deuxième nature, je la parle tous les jours. Je ne voulais pas que ça a l'air d'être: j'ai fait ça parce que c'était la mode. Je me suis dit que ça valait peut-être le coup de travailler sur des textes en français. Donc ça a pris du temps. J'ai dû repartir sur de nouveaux textes, d'autres thématiques, parce que les
traductions littérales n'étaient pas toujours possible. Je pensais que je n'y arriverais jamais. Aujourd'hui, je suis contente parce que sur certains titres, le français a apporté un truc en plus.
Laurent Voulzy a écouté votre disque?
Laurent a écouté les maquettes. J'étais anxieuse. Son avis est très important pour moi. Et puis je voulais aussi que ça soit cohérent par rapport au deuxième album. Parce que le disque que j'ai fait avec Laurent m'a permis de reconstruire les fondations et de faire celui-ci, d'affiner. C'est ce que j'essaie de faire petit à petit: affiner. Je voulais savoir s'il ressentait ça. Il était content. Il m'a dit: qu'est-ce que tu chantes bien sur ce disque. Il a eu une réaction très positive sur les voix. C'est ce que j'espérais.
Vous ditez que vous étiez beaucoup plus grave avant. Musicalement, mais même en interview, vous étiez plus fermée...
Oui. J'avais peur. C'est violent et déstabilisant cette machine infernale dans laquelle on passe. J'étais en fac de droit, je n'étais pas préparée à ça. C'était un rouleau compresseur énorme. Je pense qu'à un moment, on se perd un peu. Tout cet intérêt soudain était stressant, on m'a toujours dit qu'il fallait que je me méfie, du coup j'étais toujours dans la retenue. Maintenant, j'ai mon album qui parle pour moi. Avant je devais me justifier, parler de mes influences. Avec le recul, ça devait paraître bizarre pour les journalistes de m'entendre parler de ce que j'aimais et puis d'écouter mon disque. Il y avait un réel décalage. Aujourd'hui, sur cet album, c'est un soulagement de ne pas à avoir à tout sous-titrer. Le disque parle pour moi. C'est un sentiment très agréable.
Le fait d'être tombée amoureuse (du joueur de tennis français, Arnaud Clément, NldR) vous aide aussi à vous sentir plus détendue, je suppose...
L'un ne va pas sans l'autre. Il y a une vraie chaleur, nostalgie et mélancolie dans ce disque mais il y a quelque chose de lumineux. Je suis plus relax. Et c'est sûr que c'est aussi parce que je suis heureuse dans ma vie privée et que cela m'a permis d'aller dans la bonne direction.
Déborah Laurent
09/01/10 08h30
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